lundi 26 février 2018
De l'ambiguïté sexuelle à travers mes âges
De l'ambiguïté sexuelle à travers mes âges
Parfois on ferait mieux d'aller se coucher. Il n'est pas raisonnable de bloguer chez Nicolas à 22 heures passées et quelques verres de Languedoc à 13°5 ingurgités. On peut s'attendre à quoi dans pareilles conditions, je vous le demande ? A rien de bon et nous fûmes, lui et moi, comment dire...égaux à nous-mêmes pour faire court.
Mais un commentaire d'un dénommé renepaulhenry lu en cette fin d'après-midi fit resurgir en moi quelques souvenirs enfouis dans ma mémoire, souvenirs qui dessinent le jeune homme que j'étais dans les années 70-80.
Aujourd'hui, les ans en sont la cause, rien de ce qui pouvait m'arriver dans ces années là pourrait se reproduire.
Angers, fin des années 70, où je m'y trouve pour une formation. 17 ans à la limite, c'est le week-end et je suis devant un cinéma, le nez en l'air parcourant les affiches des films proposés. J'hésite entre deux qui m'attirent pareillement. Si je choisis celui-ci, c'est tout de suite et je dois prendre la file d'attente ; si je choisis cet autre, il y a une grosse demi-heure à poireauter. Je suis là, pensif, hésitant, indécis, quand je rabaisse mon regard sur la file qui grossit. Et soudain je le vois. Il m'était impossible d'échapper au sien, de regard, vu qu'il s'était planté pile dans mon axe, à quelques mètres de moi. Il me sourit et d'une inclinaison de la tête me fait une invitation sans équivoque. Quel âge peut-il avoir ? Je n'en sais rien mais moi j'ai celui auquel on perçoit ceux qui naviguent autour de la trentaine, voire moins, comme des vieux. Je reçois ça comme un choc, une agression, et pénètre dans le cinéma comme dans un refuge, achète ma place puis me rends aux toilettes. Non pas pour un besoin pressant : il me faut impérativement me regarder, me voir, comprendre, il me faut un miroir. Et dans la glace il y a qui ? Un garçon blond, pas même aux yeux bleus, les cheveux plutôt courts, pas spécialement beau sans être laid, un visage de jeune homme en pleine santé qui peine à sortir de l'adolescence mais qui sait déjà où vont ses préférences sexuelles. "Merde ! Je ne suis pas un pédé connard !"
J'ai oublié le nom du film.
Paris quelques années plus tard, je viens de passer d'un an tout au plus mes vingt ans et travaillote pour une grande entreprise. Un jour je prends l'ascenseur avec une femme qui doit avoir une bonne dizaine d'années de plus que moi. Elle ne m'est pas une inconnue et j'ai déjà eu l'occasion de travailler avec elle. Hiérarchiquement elle est ma supérieure. De pas grand-chose mais ma supérieure quand-même. Les portes se referment et, tout de suite, je sens qu'elle me dévisage fixement. Gêné je détourne la tête vers la paroi lisse de la cage. L'ascenseur va arriver à mon étage quand soudain elle me lance cette question que je laisse sans réponse :
- ange ou démon ?
Ainsi donc, pour les hommes comme pour les femmes, j'apparaissais en ces temps là comme une proie à saisir, une innocence à déniaiser d'urgence, par devant ou par derrière.
Niais sans doute je devais l'être un peu ...
Toujours dans ces années-là, dans une autre entreprise, un collègue fort sympathique au demeurant, vint un jour s’asseoir à ma table. On discute de tout et de rien puis il en vient à parler fringues. Il me dit :
- toi, ce qu'il te faut c'est du cachemire. Tu es fait pour porter du cachemire.
- oui ben oublie : c'est pas avec ce que l'on est payé ici que tu me verras demain avec une veste en cachemire !
- mais moi, tu sais, ma passion c'est la couture, et du cachemire je peux en avoir à pas cher. On peut s'arranger tu vois.
On aura beau dire, les stéréotypes ont la vie dure...coiffure, couture, les homos ont bien des prédispositions pour des activités qui ne vous viendraient jamais à l'esprit...M'enfin je me laisse séduire... pour la veste en cachemire. Mesures furent prisent et, quelques semaines après il m'annonce qu'elle est prête.
- tu me l'amènes demain et tu me dis combien je te dois ?
- oui...ou mieux : on peut se faire une bouffe chez moi...comme ça tu comprends s'il y a des retouches à faire ce sera plus simple.
J'ai parfaitement compris. D'un coup.
- elle m'ira très bien, j'en suis sûr !
Je l'ai payé un prix dérisoire et nous sommes restés amis. La veste, bien taillée, me fit beaucoup de profit et longtemps fut parfaite pour mes frêles épaules.
Contrairement à ce que dit renepaulhenry, il n'y avait pas d'ambiguïté pour moi, il n'y en avait que dans le regard que les autres portaient sur moi.
Faut-il le regretter ou s'en réjouir, ce genre de situation s'est considérablement raréfié.
Publié par Fredi M. le février 26, 2018
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Lâchez-vous !
Mais en gens bien élevés tout de même...