Aujourd'hui fiston, ma belle et moi, nous étions donnés rendez-vous à Joinville-le-Pont, au restaurant "La tagine d'or". Joinville-le-Pont j'ai bien connu dans ma jeunesse, du temps où je fréquentais les studios. Mais depuis il est rare que je traîne dans les parages. Une fois, un dimanche au bord de l'eau, nous avons passé un après midi chez Gégenne, ma belle et moi. Mais ça remonte à quand déjà ?
La Tagine d'or comment vous la décrire ? C'est une sorte de ponton qui s'avance sur la Marne, lui donne des allures de péniche mais qui serait éternellement à quai. Initialement nous devions déjeuner en terrasse, mais la météo, une nouvelle fois, nous a trahi (météo-France est devenue une boussole qui indique le sud : quand elle annonce la pluie soyez sûrs qu'il fera beau, et inversement). L’intérieur de la Tagine d'or est assez terne. J'ai remarqué ça : les gens d'outre Méditerranée la déco c'est pas leur truc. Les tableautins aux murs, les bibelos rigolos, les lumières avantageuses, c'est très occidental et singulièrement très français. Quant au couscous, pas donné, par charité chrétienne je n'en dirai rien.
Fiston, qui avait à faire, nous a quitté la panse pleine après le thé trop sucré. Ma belle et moi sommes partis en direction de Nogent. L'idée était de regagner Vincennes et son château en traversant le bois. Arrivés à Nogent, moi qui pour chaque événement a un refrain en tête prêt à l'emploi, forcément j'ai entonné de mémoire "le petit vin blanc qu'on boit sous les tonnelles quand les filles sont belles du côté de Nogent", forcément... Ma belle m'a dit "arrête, déjà qu'on a un temps de m...". De l'autre côté de la Marne (qui n'est qu'une rivière, je te le rappelle), on distinguait la terrasse vide et silencieuse de "Chez Gégenne".
À la hauteur du pavillon Baltard, orphelin de ses frères, arraché au ventre de Paris puis abandonné là seulabre, nous avons bifurqué sur la gauche, avons rejoint l'orée du bois et commencé la longue traversée. J'ai pu constater le parti pris de la municipalité, tout à fait défendable du reste, de laisser faire la nature : les arbres morts, ceux abattus par un coup de vent, pourrissent dans un enchevêtrement anarchique, offrant un refuge à toute une diversité, avant que d'aller, au stade ultime, enrichir les sols.
Au château de Vincennes, que nous parcourûmes en long en large et en travers, ma belle eut deux déceptions : la première fut d'apprendre que Saint Louis n'avait jamais en ces lieux rendu la justice sous un chêne, qu'il s'agissait d'une légende urbaine ; la seconde que Mata Hari ne fut pas exécutée dans l'enceinte du château mais à deux kilomètres de là, dans les bois, sur un pas de tirs en forme de butte où les soldats s'entrainaient... au tir, devenu depuis le Polygone, un circuit pour vélos. La seule personne à avoir été exécutée dans les douves du château fut le duc d’Enghien. En mémoire de Saint-Louis, il y a une dizaine d'années, on a bien planté un chêne dans la cour, mais il ne s'y est pas plu et il a mourru. Depuis deux ans un autre a pris la relève qui semble s'acclimater. Remarquez que ça fait une belle jambe à Saint-louis... En revanche nous eûmes une pensée émue pour le divin marquis qui passa, dans une geôle étroite et sombre du bas du donjon, sept années de sa vie pour d'obscures raisons de moeurs, avant de rejoindre la Bastille.
Ma belle et moi nous sommes séparés au RER de Vincennes, elle voulant revoir la rue des Laitières et les petites maisons environnantes où elle passa une partie de son enfance. Comme elle envisageait ensuite de traverser tout Paris à pinces pour rejoindre notre chez-nous, je lui ai dit que ce serait sans moi.
A part ça météo-France prévoit du soleil pour demain : n'oubliez pas votre parapluie.