lundi 25 mars 2024

Mer calme à agitée (archive)

 


 

 

 mercredi 27 juillet 2022
Mer calme à agitée




Il y a un an environ, une camionnette s'est arrêtée à proximité de "S". Un jeune homme plein de vigueur en est descendu avec un instrument dans la main. Il m'a montré du doigt le poteau de bois qui nous amène ici électricité et téléphonie. Mais lui visiblement en cherchait un autre de poteau, qu'il m'a indiqué sur son appareil électronique auquel je ne comprenais pas grand-chose.

- monsieur, ce poteau n'existe pas, le dernier que vous trouverez dans le secteur, c'est celui-ci, le nôtre, le dernier de la commune. D'ailleurs si vous continuez sur quelques mètres, vous serez sur la commune voisine. Ici c'est le terminus, même le facteur rechigne à y venir.

Il ne voulait pas le croire, sa machine lui indiquait un poteau et il voulait voir ce poteau. Je n'ai pas cherché à le convaincre, mais, à toute fin utile, je lui demandais pourquoi il y tenait tant à ce poteau.

- eh bien monsieur, m'a-t-il répondu, c'est que nous apportons la fibre, que vous l'aurez au plus tard début 2023. Et qu'il nous faut préalablement répertorier le réseau car elle sera aérienne.

Sur ce il est reparti, avec sa petite machine entre les mains, interrogeant du regard les collines, insatisfait de ma réponse.

Bigre... "la fibre" allait arriver jusqu'ici...

Hier je descendais vers la ville par la petite route. Là je croisais une autre camionnette, avec élévateur, et deux ou trois hommes qui s'affairaient à accrocher des câbles au sommet des poteaux. Curieux comme je suis, je me suis arrêté pour leur demander la nature de leur activité. Et c'est tout naturellement qu'ils m'ont répondu "qu'ils apportaient la fibre au hameau de "V".

Le désert numérique perdait du terrain, et dans cette marche vers le progrès, "S" serait la dernière à être servie.

Ça m'a laissé songeur. Je me suis souvenu d'un temps, pas si lointain, où quand je venais à "S" je n'avais pour seules compagnies que des livres, le feu dans la cheminée, un téléphone qui ne sonnait que très rarement, mes rêves et un vieux transistor.

C'est de ce vieux transistor dont je me souviens aujourd'hui. Au fond de cette vallée perdue, il ne captait presque rien. France Inter y était encore audible, mais, par un défaut technique que je ne saurais expliquer, passé le flash de 20h, sa captation des ondes déclinait, le son se perdait dans un grésillement progressif, le transistor ne percevant plus que le "tac tac" de la clôture électrique voisine. C'était l'heure de la météo marine. Elle durait des minutes qui paraissaient des heures. C'était aussi un moment de grande poésie, propice à l'évasion :

Mer d'Iroise, vent modéré de secteur sud, mer calme, pas d'avis de coup de vent en cours ni prévu.

Cantábrico, mer calme à agitée, vent de secteur sud-ouest se renforçant dans la nuit.

Et je somnolais au coin du feu. J'étais ce marin embarqué sur son chalutier qui regardait s'éloigner la côte.

Le son dans le transistor devenait insupportable. Le "tac-tac" surnageait dans un océan de grésillements, la voix du présentateur devenait inaudible. Je me levais et coupais l'appareil. Ne restait plus alors qu'un immense silence.

La fibre arrive, et les rêves s'en vont.

EN COMPLÉMENT CETTE BELLE CHANSON DE JULIETTE, MÉTÉO MARINE.

 


 

 

 


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Mais en gens bien élevés tout de même...