J'ai sous les yeux un brin d'immortelle, signature olfactive de la Corse, quelques gousses de caroubier, un gourmand d'olivier qui trempe dans un verre d'eau (dont j'espère qu'il fera un jour une bouture à replanter), et quelques entrelacs de fitone, souvenirs tangibles de notre séjour, ma belle et moi, dans cette splendide région de Haute-Corse : la Balagne. La fitone (ou le fitone) est une petite saucisse de foie d'à peine un centimètre de diamètre. Maigre, contrairement à sa cousine (ou son cousin) la figatellu, elle est aussi moins écœurante que cette dernière et se mange sans retenue. Fiston m'en a offert deux mètres, mais je crois bien qu'il n'en reste déjà plus qu'un petit mètre cinquante...
Nous nous sommes posés à Calvi au milieu de la semaine dernière, avec près de vingt minutes d'avance sur l'horaire annoncé, ce qui est suffisamment rare pour être souligné*. Nous étions là pour faire la connaissance du petit G., le puîné de fiston, né coiffé il y a peu à l'hôpital de Bastia. Peut-on parler du petit "G.", tout comme de sa sœur, d'un enfant issu d'un couple mixte ? La question n'a rien de saugrenu quand on songe qu'une association, l'associu Palatinu, a pour projet de favoriser une forme du droit du sang : Au fil des interventions, les fondamentaux de Palatinu sont posés, comme la première pierre d'une refondation qu'on estime indispensable. Pour l'associu, qui se félicite notamment d'avoir "transformé l'ambiance du débat public", le moment est désormais venu d'aller plus loin. Et ce sera tout l'enjeu à brève échéance. Les contours de la méthode sont esquissés. " Nous allons étoffer notre projet de société qui va parler de manière innovante de corsisation des emplois, de pouvoir d'achat, de patrimoine de foncier, de natalité, de diaspora autour d'un statut que nous appellerons chez nous, le statut de descendant".SOURCE .
Avec un tel statut, de quel œil regarderait-on fiston, et mes petits-enfants...
Nous verrons...
Ici tout est patrimoine, chaque pierre, chaque village, chaque édifice, conte l'histoire de la Corse, rappelle l'Italie, la possession génoise. On va de chapelles en églises, toutes aussi belles et colorées, de rose le plus souvent. Les routes parfois, traversent des cimetières aux mausolées imposants. Notre première excursion fut pour aller voir les ruines d'un ancien couvent. Il en fallait du courage et de la force, aux sœurs, pour habiter un tel lieu ! Puis, nous avons pris la route sinueuse qui monte dans la montagne, accompagnés du vol des Milans, dont c'est ici le domaine incontesté. À Pigna (Pignes), sur le parvis de l'église, le feu de Noël était déjà prêt. Après avoir gravi les ruelles de pierres de granit, nous nous sommes arrêtés sur une petite place, sous un caroubier, pour admirer le paysage. Le caroubier... Je ne connaissais pas cet arbre. S'il en est un emblématique du bassin méditerranéen, en plus de l'olivier, c'est bien celui-là. On le trouve du sud du Portugal et de l'Espagne jusqu'au Maghreb, en passant par la Sicile, la Sardaigne et la Turquie. Mais il raconte une autre histoire. Cet arbre, comme je l'ai dit en introduction, fait des gousses. Et dans ses gousses se trouvent des graines, en taille et en poids toujours égales. Ces graines nous ont donné une unité de mesure : le carat (savoir d'avant-hier...).
Nous avons continué vers Aregno, et sa chapelle de la sainte-Trinité-Saint-Jean-Baptiste. Ses pierres sont aussi de trinité : noires, ocres et grises. Sa statuaire fait penser aux temples aztèques, mais son origine trouve sa source plus certainement chez les premiers chrétiens d'Orient, d'Irak notamment.
À Aregno toujours (de mémoire, ou Sant'Antonino), j'ai croqué une minuscule olive noire, à l'amertume prononcée, dont le noyau a plus d'importance que la chair, et qui laisse dans la bouche un long parfum sauvage. Combien en faut-il de ces olives pour faire un litre d'huile ? Voilà bien une question sans réponse !
Notre périple s'est terminé dans un village dont j'ai oublié le nom, Santa Reparata je crois, où se tenait un marché de Noël : attractions pour enfants, charcuteries locales, bibelots pour le pied du sapin, et ce chant, “Cuscenza” de Chjami Aghjalesi, que l'on retrouvera plus bas. Rien de plus à en dire.
L'avion qui, d'après son pilote, volait à quelque 10000 mètres d'altitude, avec - 56 degrés à l'extérieur, a commencé sa descente vers Orly à la hauteur de Moulins. Nous avons plongé en pente douce dans la masse nuageuse, une mélasse épaisse, compacte : à travers le hublot, la nuit était presque totale.
À bientôt la Corse !
Enfin si tu veux bien encore de nous...
* Ce fut également le cas au retour, mais cette fois-ci l'avance fut dilapidée dans l'attente de la mise en place de la passerelle de débarquement.